Devant l’entrée du stade où se tient le marché, il y a une longue file de voitures. L’employé qui vend les billets passe de l’une à l’autre.
— À 6 heures ça ouvre. On a moins d’une heure pour récupérer le tableau.
— Si c’est le facteur qui l’a, et si le facteur est ici, dit Samuel, maussade en soufflant sur ses doigts.
— On va jusqu’au portail, on longe la file et toi, Cynthia, tu regardes dans chaque voiture. Discrètement. Si tu vois le facteur, tu nous fais signe.
— Ça y est je l’ai vu ! La troisième voiture ! Il a dormi là, ma parole ! Qu’est-ce qu’on fait ?
— Eh ben j’en sais rien. Regardez ! Y a déjà des lampes torches autour des voitures ! Si un antiquaire voit le tableau, ça va mal se terminer !
— Il sort de sa bagnole !
— Où il va ?
— Il y a un petit stand qui fait du café, là-bas.
— Il va passer sous les platanes. C’est sombre. On devrait l’attaquer vite fait ! dit Cynthia en secouant ses cheveux qui répandent une forte odeur de frites.
La réponse d’Héléna surprend les Rebelles.
— Oui. Allons-y ! Coinçons-le, il n’y a que ça à faire. Sinon il sera trop tard. Si c’est pas lui qui a le tableau, on s’excusera.
— OK. Vous l’encerclez, et c’est moi qui lui parle. Pas d’inquiétude, je suis ceinture noire de karaté, dit Cynthia tout en respirant bizarrement.
Les Rebelles n’ont pas le temps de s’étonner, ils encerclent le facteur, un jeune homme à petite barbiche blonde, vêtu d’un gros anorak vert. Cynthia le plaque contre un platane et approche son visage du sien, comme si elle allait le mordre. Ses piercings lancent des étincelles. Sa voix presque douce est pleine de menace.
— Lundi 14 février tu m’as chouré un tableau, devant ma porte. Immeuble C. Tu t’en souviens ?
— Oui.
— Il est dans ta voiture ?
Le jeune homme hoche la tête, comme sous hypnose.
— Tu vas me le rendre.
— Rendez le tableau et on n’en parlera à personne, dit Frida.
Samuel et Mériem encadrent le jeune homme. Il ouvre le coffre de la voiture, en sort le tableau. Cynthia défait le papier à bulles. L’homme en veste jaune apparaît. Elle serre le tableau contre elle, très émue.
— Ça y est ! Carmen va se remettre à manger !
— Quoi ?
— Elle fait la grève de la faim depuis que le tableau a disparu.
— J’ai l’habitude de ramasser les choses que les gens mettent à la poubelle, dit le facteur d’une voix tremblante.
— Ah, alors tu confonds mon palier avec une décharge d’ordures ?
De nouveau elle s’approche de lui et pointe son doigt vers son nez.
— Ne t’avise plus de prendre quelque chose sans demander la permission, mon vieux. Tu as la chance d’avoir un boulot. Avec un coup pareil tu as failli le perdre. Tu le sais, ça ?
— Oui.
— Alors salut ! Allez les Rebelles, on rentre ! Mériem, combien tu en veux de tes rollers ?
— Dix euros.
— Je te les prends à cinq.
— D’accord. C’est pour Carmen ?
— Non, elle se fait des nœuds avec ses jambes en marchant, alors si tu lui mets ça aux pieds, on la ramasse à la balayette !
Elle donne un billet à Mériem, prend les rollers, les fourre dans les mains du premier gamin qui passe, sans s’arrêter. Curieuse fille.