3. Chacun son livre.
Les grands livres semblent s’ouvrir tous seuls sur les jambes des enfants assis par terre. Devant Martin, mille oiseaux d’Amazonie exposent leurs folles couleurs. Roxane est au cirque, les trapézistes volent d’une page à l’autre. Myriam fixe un tigre du Bengale dans les yeux. Ulysse observe dans le ciel de vieux avions fins comme des libellules. Fatiha est dans un château moyenâgeux parmi les jongleurs, les dames et les chevaliers. Samuel a reconnu Don Quichotte sur son cheval maigre. Et Clara se demande quel est ce géant ligoté par terre, sur lequel grimpent des centaines de petits bonshommes. Dans le silence, on entend les pages tourner et parfois un Oh ! Rosalie parle tout bas au libraire.
- Regardez comme ils sont captivés par vos livres. C’est magique !
- Prenez-en un vous aussi, mademoiselle Rosalie.
- Je veux bien, mais j’aimerais m’asseoir.
Le libraire, avec six livres empilés, fait un tabouret pour la jeune fille. Il lui apporte un livre : Les jardins extraordinaires. Elle va, de page en page, parmi les azalées, les bambous jaunes, les rhododendrons, les lotus. Mais qu’est-ce qu’elle sent ? On dirait le parfum des glycines. Soudain, elle regarde sa montre.
- Les enfants, il est presque cinq heures ! Il faut retourner à l’école ! Merci monsieur. Monsieur ?
- Je m’appelle Tiphaine. Tiphaine Lhogre.
- Ah, voilà d’où vient le nom de votre librairie. C’est amusant !
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4. Trois élèves ont disparu
Mais où sont Gabriel, Clara et Amidou ? Les livres qu’ils lisaient sont abandonnés par terre, ouverts, et mademoiselle Rosalie fait la grimace en remarquant qu’ils ont tous les trois corné une page, malgré son interdiction.
- Où sont-ils ?
- On ne sait pas, on était tellement hypnotisés par les livres qu’on n’a rien vu. Gabriel était près de moi et pof ! Il n’y est plus.
- On a cherché dans toute la librairie. Ils n’y sont pas !
Mademoiselle Rosalie lève les yeux vers le libraire. Il semble encore plus pâle que tout à l’heure et bien embarrassé.
- Vous ne les avez pas vus sortir monsieur Tiphaine?
- Non, je n’ai rien vu, j’étais dans le livre, avec vous, sous la tonnelle de rosiers jaunes et…
Rosalie le regarde rougir et le trouve soudain bien étrange, ce monsieur Lhogre.
- Venez les enfants. Vos camarades nous attendent sûrement dans la cour de l’école. Je n’aime pas du tout ce genre de farce !
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