Tes mains sans hésitation
Elles me tirent
Du ventre de ma mère.
Rugueuses,
Rudes.
Noircies
Par les grenades, les artichauts,
Les pommes de terre épluchées.
Mon enfance à regarder
Tes mains griffées de tourmaline
Plier le linge raide de soleil,
Assommer le lapin,
Le déshabiller, l’écarteler,
Retirer l’épine sans faire mal.
Coup de poing sur la gousse d’aïl.
Dans les plumes,
Dans le jaillissement des écailles,
Dans la soie,
Elles oeuvrent sans hésitation.
Tu es la grande transformatrice.
Qui passe par tes mains
Meurt et renaît
Sous une autre forme.
Le tissu rouge devient manteau,
Le papier crépon, fleur,
La pomme de terre, purée,
Le doigt blessé, poupée.
Tes mains sans anneau
Offrent les goûts
Les couleurs, les odeurs
Les volumes, les formes,
L’invention, la consolation
La sécurité, la menace.
Mains crevassées,
Mains de travailleuse.
Ta fierté.
paru dans « A pleines mains, Bacchanales n°48 » , revue de la maison de la poésie Rhône-Alpes