Chroniques

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Je me lâche

tu te lâches

lâchez-vous

lâchez tout !



Se lâcher m 'évoque des cataclysmes d’entrailles (et pour avoir vécu tellement d’années sous des climats amibiens, voire cholériques, je sais de quoi je parle). D’ailleurs, ce mot a la même racine latine médiévale (laxare) que laxatif, ainsi que le comprenait Molière : « des petits pruneaux pour lâcher le ventre ». Est-ce à dire que lorsqu’on se lâche on s’évacue radicalement sans autre forme de procès ? Pour quelle raison extérieure ou intérieure procède-t-on à cette auto purge, et pour quel bénéfice ?


Il n’est pas réjouissant de se faire lâcher, et le lâcheur n’est pas aimable. Celui qui  se lâche se laisserait-il donc tomber lui même? Il cesserait donc à cet instant de s’appartenir. De se retenir. Il n’est donc plus solidaire de lui même et s’auto répudie.


 Lâcher le morceau signifie tout avouer. Celui qui lâche le gros morceau qu’il est (j’espère), est peut-être un hypocrite repenti, délivré ? S’il vivait caché, ne va-t-il pas regretter de s’être lâché, comme on regrette d’avoir libéré son canari du balcon du troisième étage dans un moment d’euphorie ?


Cette élégante expression est-elle synonyme de « sortir du placard » ? Non, l’ampleur des conséquences déclenchées par un lâchage, même très personnel, semble infiniment moindre que celle d’une sortie de placard authentique. A moins qu’en se lâchant une bonne fois, on égorge sa belle-mère et/ou son pékinois. Ou que le placard ait été depuis belle lurette ouvert au public.


Est-ce parfois douloureux de s’évacuer ou se lâcher fait-il toujours du bien ? Se lâche-t-on en bloc ou en morceaux choisis ? Volontairement ou par inadvertance ?


Ces questions pressantes seront examinées dans le prochain magazine d’ADA, s’il sied encore de « se lâcher ».


Paru dans la revue ADA

Septembre 2009