Chroniques

 1                                                                        Retour vers Chroniques  

 

 

Publicité 1962 : l'honneur des femmes

 

 

Si j’en croyais la publicité, j’avais un aperçu du rôle peu reluisant qui serait le mien. Il était évident que si l’élégance et le maintien de l’homme se nichaient dans son slip Kangourou ou dans la langoureuse fumée de sa cigarette américaine, dans son chapeau, la coupe de Champagne qu’il tenait à deux doigts, les éclats que lançaient ses chaussures ou ses cheveux gominés de Brylcream, dans les fragrances de l’Aqua Velva sur ses joues rasées de près, la valeur de la femme mariée était au fond des toilettes. Harpic nous le prouvait. Une dame chapeautée, un peu pincée, arrivait chez sa belle-fille. Elle fonçait dans les toilettes pour vérifier si elles étaient noires au fond, ou non. Etaient-elles étincelantes (Merci Harpic !) que la belle-mère dépitée n’avait rien à reprocher à sa bru et surtout, rien d’essentiel à lui apprendre concernant son honneur de femme.


Si les toilettes étaient sales, la belle-fille pouvait porter des bas Scandale, un soutien gorge Lou, une gaine Rosy ou du parfum Dior, se parer de bijoux, étaler sur son visage la crème Velouty de Dixor, poudrer ses joues de Coty, enduire ses lèvres de Rouge Baiser d’Elisabeth Arden et laquer ses ongles au Shanghai de Cutex , elle demeurait intrinsèquement une femme aux toilettes sales et ne méritait même pas un robot Moulinex. Le mépris. Elle ne méritait que le mépris.